J’aurais aimé rencontrer cette cuisinière …
Eugénie, c’est un joli prénom, pour ce visage poupon.
Brazier était son nom.
Eugénie Brazier, un grand nom à ne pas oublier pour tous ceux qui aiment cuisiner et manger ! 👩🍳
Son père l’a rejetée, foutue dehors, je dirai-même : « Tu es infréquentable ma fille ! » Elle, qui, à dix ans, chaussait ses sabots pour aller traire les vaches et donner à manger aux cochons chez les fermiers qui l’avaient recueillie à la mort de sa mère, se retrouve à la rue à dix-neuf ans. Son ventre s’arrondissait sous son tablier pour avoir fréquenté de trop près un homme marié. C’est dire qu’elle avait du caractère, Eugénie Brazier ! 🤭
Déjà fillette, les plats de la Bresse sont pour elle une délectation. Les menus rustiques qui s’inscrivent dans sa mémoire et dans ses hanches, peinent à camoufler les rondeurs de sa maternité. En plein chaos de la première guerre mondiale, Eugénie met au monde un petit Gaston, qui, comme elle, grandira loin de sa maman. 🍼
Les seins gonflés de lait, elle se fait embaucher comme nourrice chez une famille bourgeoise. Quelques semaines après son entrée au service des Milliats, leur cuisinière, souffrante, ne peut assumer sa tâche. C’est une opportunité de révéler sa vocation qui s’offre à Eugénie : « Je serai cuisinière » se promet-elle.
Elle monte à Lyon comme apprentie et trace sa route vers les étoiles de la gastronomie. 🧇
Elle saura glisser ses doigts joufflus sous la peau de la poularde avec délicatesse pour y glisser de jolis morceaux de truffe. Avec autant de douceur qu’on berce un chérubin, elle l’emmaillotera de ficelles soigneusement détaillées de la même longueur. Ainsi, elle concoctera la poularde demi-deuil telle qu’elle l’avait apprise de la Mère Filloux.
A défaut d’avoir pu nourrir son fils, elle deviendra donc Mère à son tour : c’est ainsi que se nomme ces femmes devenues « grand chef cuisinier », issues de familles pauvres voire miséreuses. Elle imaginera une cuisine simple et authentique avec un raffinement comme nul autre pareil !
En 1932, la Mère Brazier sera la première femme à honorer ses deux restaurants de trois étoiles : celui de Lyon, « Capitale mondiale de la gastronomie » ainsi que la nommait Curnonsky, et celui du col de la Luère à Pollionnay. ⭐⭐⭐
La Mère Brazier, véritable cheffe d’entreprise, qui a su tout transmettre à un certain Bocuse, fut la figure de proue du consommer et manger local, apportant à la gastronomie française des saveurs incomparables du champ à l’assiette !